Des imaginaires possibles autour d’une typographie inclusive

Par Bye Bye Binary

French version only but english abstract below ↓

Issue N.24
Dec. 2021
Author: Bye Bye Binary
Various typefaces
Printed in the margins of:
Graphius, Brussels [BE]
± 200 copies

Abstract

The Franco-Belgian collective Bye Bye Binary uses the specific size of La Perruque for an “exquisite corpse” exercise, presenting a large number of graphic and typographic proposals (letters, ligatures, midpoints, linking elements and symbiosis) dealing with transgender topics and overcoming gender binaries.

Résumé

La collective franco-belge Bye Bye Binary s’empare du format de La Perruque pour dessiner un cadavre-exquis présentant un grand nombre de propositions graphiques et typographiques (lettres, ligatures, points médians, éléments de liaisons ou de symbiose) tentant de mieux représenter les différents genres et dépasser la binarité féminin/masculin.

Tirage au sort dans la collective Bye Bye Binary pour composer le cadavre-exquis typographique.

1. Laure –> Laura

Alors mon plan à la base était d’enrichir la baskervvol sur laquelle on a bossé lors du premier workshop.

Mon idée était d’ajouter des signes dont l'interprétation est très ouverte. Que l'on ne sache pas si on a affaire à un ‘a’, un ‘e’, un ‘i’ etc. Et donc que l’on puisse lire ce signe comme on le sent, mais aussi que l'on voie que ces signes sont riches/complexes. Un peu dans la même idée, je voulais générer des espaces vides mais visibles à la place des finales des mots (dégradés, bandes en haut/en bas),

Je voulais aussi que ces espaces ouverts poussent les signes du masculin neutre (‘t’, ‘é’…), en les condensant extrêmement jusqu’à leur presque disparition (et appeler cette fonte la misandre).

Et j'ai apparement pensé que je pouvais apprendre à dessiner et exporter des caractères en 2 soirées ! Or je n’avais jamais fait ça donc rien que le dessin était extrêmement compliqué même si j’ai utilisé Inkscape pour la première fois et que c’est plus facile qu’Illustrator pour avoir un meilleur dessin. Finalement je n’ai pas pu créer des glyphes et enrichir la typo, ça reste à l’état de dessin vectoriel. Mais c’est tout à fait possible qu’unও participantও s’y attelle !

2. Laura -> Pierre

Intéressée par les problématiques liées à l’espace numérique, j’ai choisi de parler d’un langage inclusif quand il en vient au code informatique. Le système d’écriture binaire des databases ne permet pas à tout les genres de s’exprimer, par exemple :

“In 2014, Facebook became one of the first social media companies to allow users to change their names and gender identity, with more than 50 options. Although its software seems to allow users to seem to self-identify, the way the system actually stores the data is that each user is recorded (and sold to advertisers) as male, female, or null. The reason for this has to do with both hegemonic heteronormativity and math. Everything you do on a computer is secretly math, and that’s the trouble.”

Il me semble intéressant d’ouvrir une discussion sur ce sujet, qui est directement lié avec nos préoccupations.

Pour ce faire, j’ai choisi d’utiliser la Baskervvol et de donner au signe ‘0’ plusieurs formes pour signer la mutliplicité des genres, et « casser » visuellement le code binaire. J’ai aussi essayé de faire écho au travail de Laure en prenant sa suite dans l’idée des signes abstraits.

Voici des articles de documentation dans lesquels j’ai trouvé ma source de réflexion :

-> When Binary Code Won’t Accommodate Nonbinary People [link]

-> Does binary code affect the way we see and express gender online? [link]

-> Gay marriage: the database engineering perspective [link]

3. Pierre → Tiphaine

À la séquelle des deux richesses de Laure et Laura, le BBB comme contexte pour courber un peu des problèmes triviaux et pinailleurs, ceux d’un ensemble continu entre différentes positions et formes, tailles et penchages ? Traiter de la manière la plus extensive possible les affinités des transformations affines. Pour accueillir dans des conditions accueillantes des glyphes comme le point du milieu, le tiret long, le carré, le triangle, la pipe-barre-verticale, mais mais aussi des flèches et myriades d’autres formes plus ou moins géométriques, plus ou moins neutres, moins ou plus cheloues, plus ou moins orientées. Et de proposer des glissements-translations pour ces aspects sur plusieurs axes au moins, leur chasse (la largeur où leur corps gît), leur graisse (les tailles en hauteur et largeur de leur chairs), les décalages horizontaux et verticaux qu’ils habitent, et leur penché, et leur pivotement, et leur appui caliente. Certains logiciels permettent certaines de ces transformations, par l’extérieur et effraction. Ici les rendre sensibles dès la forge de la fonte, dans un ensemble qui décide là de ne pas décider, et d’être une trousse à maquillage du glissement, du doute et de la tentative. Cette ouverture pose plouf des questions du comment, du faire des combinaisons type point dans le triangle, des épaisseurs des versions avec filet plutôt que pleins, et d’autres étirements ténus du champ du tactile. C’est peut-être au-delà du frivole de la forme, le tectonique de l’espace vide, de l’espace autour qui, chauffé par la friction de la glisse, prend de son autonomie ? Peut-être mais en espérant que ce catalogue obsédé invite à l’ajout version après version et que puisqu’il manquera toujours une pièce, on sera pour longtemps dans le désir d’un autre manquant. Ce caractère variable de la Baskervvol, qui jouerait aussi, à côté des autres agapes des BBBers, le rôle panse remplie (“vol” en néerlandais, baskerfull) d’hormones de transformation, le lit concentré du compost chaud de glyphes sans autrixs. Glyphes étendus et détendus qui fuiront, littéralement, sur le bord, de formes en attente.

-> Affine transformation [link]

4. Tiphaine -> Ludi

Bon. D’abord, je ne suis pas tout à fait sûx d’avoir compris ce qui se tramait recto/verso. Et pour des raisons diverses et variables (comme les fontes), il ne m’est restæ que 24 h pour bosser… Donc, j’ai saisi lo suggestion de Caro qui nous incitait à réinjecter de l’existanl. Recto, lo version en acadam du I want a president qui mo (nous) aura accompagné depuis lo début. En corps 1, et ouais, comme yn parasite qui court presque tout lo long del format. Presqu’invisible mais partout, on voudrait bien l’oublier faire comme s’ol n’était pas là, c'est qu’ol nous gâcherait presque lo spectacle. Yn analogie évidemment évidol al condition des personnes minorisæ. Et histoire d'installer pour de bon lo gêne, ol est composé à l’envers, ainsi que lo texticule qui l'introduit.

Ça risque de vous emmerder un peu mais en vrai c’est que de l’amour.

Verso, c’est l’histoire sans parole d’yn signe mathématique, clin d’œil à Pierre et ses affines, ici c’est yn intégrax, qui vit, ol aussi, yn aventure fail de croisements, d’alliances et de transformations.

5. Ludi ⥹ Justine

La perruque a fait un direct jump dans les mains de Justine ce lundi 7 septembre. Je suis passé avec joie sur ses franges cette semaine sans avoir eu l’occasion de m’y plonger. Jours en sous-marins de rentrée. J’ai donc passé le relais à Justine sans attendre et prévoie d’insérer ma contribution solo ou duo, au vol et à la joie dans les prochaines semaines. Je nous secoue la languette.

6- Avril/Justine > Caro

Lors du premier workshop BBB avec Caro on a parlé d’oralité et on a fait des lectures de textes à voix haute. Je voudrais spiraler et ramener l’oralité et les propositions de respirations dans la typo, j’ai donc écrit un texte en utilisant des signes typographiques dont je ne connais parfois pas le sens mais qui m’ont fait penser à des mouvements respiratoires, on pourrait enrichir avec des signes sténographiques.

« M¯n amour’ sans être il ou elle navigue en dehors de la binarité dans des sphéres d’identités roulantes. Tout les jours, parfois plus souvent m¯n amour’ change de genre. Des entités variées l'habitent : papier’, rose`, chienn”, carapac~, moyen-âg¯, à vif’,amphibienn¬, squelett’, tsundere´, lourd”, daddy’, épars~, crystal’,… Comment voulez-vous finir les mots dans les mouvements? Les suffixes, ne doivent pas l’arrêter. `l à besoin que l’on respire pour parler d”l. On retient, on souffle, on feule, on hiss”, on frise,… au début, à la fin, au milieu des mots. »

Une autre proposition est d’utiliser la couleur pour enrichir le discours. Les crayons magiques ont déjà plusieurs couleurs en eux. Selon la forme de répartition des couleurs (en croix, en mosaïque,…) ils permettent une plus ou moins grande incertitude. La base des couleurs est donnée mais la couleur qui teintera le plus le mot, l’image ou la séquence coloré reste incertain•e. Ça peut être un outil pour visualiser les fluidités de genres. Ce mélange de rouges et violets, de verts et roses, de bleus plus ou moins foncé me correspond maintenant. « Quels sont tes pronoms? », « Quel est ton mélange coloré/ta couleur aujourd’hui? » Ça revient à « Comment te genres-t’on? ».

« Les crayons magiques peuvent nous aider. Teinter les mots, ajouter des couches de sens et de genres. Les couleurs peuvent nous sauver. »

7- Caro > Marouchka

• Une petite introduction de la collective BBB à poursuivre, pimper !

• Un brin de médiation sur la Baskervvol. * [Le nom Baskervvol vient explicitement du nom Baskervville auxquel nous avons substitué le « ille » par le pronom non-binaire « ol » comme développé dans les textes de Clara Pacotte et élaboré dans notre Acadam (grammaire non-binaire)].

• Présentation des glyphes avec exemples d’utilisation avec des mots choisis, non innocemment.

• Un petit texte référence au texte On Circlusion (Adamczak, Bini. 2016) avec un Passix/Actix et un nouveau glyphe i+X pour l’Unormative Fraktur (Laura Conant + Léna Salabert), souvenirs d’une sérigraphie réalisée en symbiose (Caroline Dath + Roxanne Maillet) lors du Bye Bye Binary workshop#2 à la Biennale de Design de Saint-Étienne.

• Petit ajout de la Déclaration des Droits de l’Humainl et du Citoyol en Acadam (grammaire non binaire développée par Bye Bye Binary lors du workshop #1). Des imaginaires possibles autour d’une typographie inclusive en Novembre 2018 à Bruxelles.

• Une compilation de trois iel réalisés jusqu’à présent dans la série d’interpellation "Hello [le créateul de la typograhie] aujourdhui, un nouveau glyphe non binaire pour combiner les formes du il et du elle est proposé pour ton caractère typographique [nom du caractère typographique] #byebyebinary". (Fontes : Mayenne Sans de Jérémy Landes, Avara de Lucas Le Bihan, Kreuz Extended de Production type)

• Un petit L O V E & R A G E of course, en femmage à Dom parti trop tôt dont l’Acid Hardcore convoque les sons industriels de Marouchka en fin du BBB-workshop#1.

* From: Pierre Huyghebaert
Date: Thu, 29 Oct 2020 at 15:49
Subject: Baskervville ↔ Baskervvo

Bonjour Alice, Alexis, Charles, Émilie, Jérémie, Jérôme, Morgane, Rafael, Rémi, Rosalie, Tanguy, Thomas,  

Ludi et moi vous écrivons à quatre mains au nom du groupe Bye Bye Binary. Certainxs d’entre vous ont vu notre communiqué de presse de la semaine dernière, disponible sur genderfluid.space et qui reprend les éléments principaux de la détonation récente, dans le champ typographique francophone du moins. Comme vous le devinez, nous n’avions pas anticipé la médiatisation soudaine des questions de typographie inclusive, et à sa suite notre recherche. Nous avons réagi rapidement, et il manque malheureusement des pièces dans ce communiqué. Dont ceux concernant la Baskervville précisément !

Retour sur l’historique. Avec d’abord, pourquoi la Baskervville ? Le 14 novembre 2018 à Bruxelles démarre un workshop de trois jours intensifs pour lequel sont rassemblé de manière assez peu courante des étudianx et intervenanx de l’Erg, de la Cambre et d’autres écoles françaises. Plusieurs présentations ponctues et mis en route l’atelier, dont l’une conduite par Loraine Furter qui revient entre autres sur l'histoire de John Baskerville et du rôle de sa compagne Sarah Eaves. Le workshop a lieu très peu de temps après la publication des sources du projet côté ANRT. Une étudiante de la Cambre, Mathilde Quentin, participante de l’atelier revenait justement de son stage à Nancy. Ces éléments mélangés, les qualités typographiques de votre travail, sa documentation, et le caractère classique de la fonte ont scellé son choix, fait dans l’embrasement du début du workshop. Plusieurs caractères ont été augmentés à cette occasion mais la dérivée Baskervville étant le plus praticable pour le texte courant, c’est celle qui est la plus visible dans le fanzine issu du workshop et dans le communiqué récent. On aurait déjà dû vous contacter dès cette intense session de trois jours-nuits. Embarquée dans son énergie très dense, on a imprimé le fanzine, performé sa sortie et ne sommes pas ensuite revenus sur les sources. Cordonnièrxs mal chausséex.

ByeByeBinary a par la suite continué avec des activités diverses moins larges mais toujours tonifiantes, le groupe est étonnement resté soudé par mail. Et on se préparait doucement à une publication sous un format un peu inédit, avec entre autres de la Baskervvol dedans, et un mail sur un rythme calme vers vous, quand l’explosion médiatique de la semaine passée a fait irruption. Seconde occasion manquée dans le communiqué de presse donc, de mentionner plus explicitement la filiation Baskervville.

Pour sortir maintenant des scénarios d’urgence, et surtout parce que c’est nécessaire, on revient ici à vous aussi avec la question du nom. Dans la licence OFL que vous avez choisi, vous avez gardé (sans doute pas par défaut?) l’option du Reserved Font Names sur la position « Aucune version modifiée de la “ fonte informatique ” ne peut utiliser les noms réservés sans autorisation écrite expresse du propriétaire du copyright. Cette restriction ne s’applique qu’au nom principal de la police tel que présenté à l’utilisateur. » Clause classique qui a fait couler pas mal d’encre (ici et ici).

Le nom Baskervvol vient explicitement du nom Baskervville auxquel nous avons substitué le « ille » par le pronom non-binaire « ol » comme développé dans les textes de Clara Pacotte et élaboré dans notre Acadam (grammaire non-binaire).

Ce long mail donc, après les deux mea culpa nécessaires, pour vous demander l’autorisation de l’usage de la dénomination « Baskervvol » pour désigner notre bifurcation. Avec votre crédit complet dans le fontlog, dans les commits, et surtout une nouvelle version du communiqué de presse, et une explication complète de l’origine du Baskervvol sur la mise à jour du site et sur le repository gitlab !

Si vous n’êtes pas d’accord sur notre usage de ce nom, peut-être auriez-vous une proposition alternative ? Ou dans le doute, un premier avis ? Seriez intéressés par ce débat, qui nous semble en fait intéressant, à tout le moins pédagogiquement ?

Avec grande inclinaison, et encore toutes nos excuses pour ce contact beaucoup trop tardif,

Pour ByeByeBinary,
Ludi et Pierre

P.-S. : nous avons déduit les adresses email de ceulles d’entre vous que nous ne connaissons pas directement, merci de transmettre aux intéresséx au besoin :)

8 – Marouchka > Léna

Sur la première face, j’ai utilisé la baskervvol pour typographier un passage tiré des notes de téléphone portable de Adèle Ellie Orain, activiste trans queer parisien.ne alors qu'iel était en train de lire Un appartement sur Uranus de Paul B. Preciado. Sur le verso, j’ai placé une ligature « iel » dessiné lors du workshop à la biennale de Saint-Étienne , en reprennant la fonte utilisée par Roxanne pour la com’ du premier workshop BBB à Bruxelles.

Les glyphes inclusifs de la Josafronde, fonte metapost dessinée avec Morgane le Ferec ont également été ajoutés à la publication au fur et à mesure de leur conception.

9 – Léna > H.

L’idée part d’un bogue (bug) d’affichage, le symbole d’erreur qui s’affiche lorsqu’on utilise un glyphe qui n’existe pas dans la fonte utilisée. Retranscrire et montrer ces caractères manquants. BBB défini de nouveaux glyphes qui n’existent pas (encore ?) dans les codages typographiques et dans les standards. Ces glyphes qui n’existent pas dans les codes typographiques mais pas non plus encore dans les codes sociaux. BBB questionne tout ceci, la petite échelle de la création-réalisation-technicité-utilisation des glyphes inclusifs dans le graphisme, et ce que leur minuscule irruption provoque de majuscule dans le champ social, politique et poétique.

10 – H. > Roxanne

En avant dernière position pour la Perruque, j’ai découvert que de grandes plages étaient encore disponibles ; j’ai commencé à me demander si il ne fallait pas venir redonner de l’espace à toutes les propositions, puis je me suis ravisé*e de prendre cette responsabilité seul*e : je me suis dis qu’il valait mieux le mentionner comme une question et une prise de décision commune.

N’étant pas typographe, j’ai choisi de faire deux interventions graphiques/illustrées : RECTO, quelques illustrations du projet OPÉ-TRANS (masculinisantes & féminisantes) venant se lier au texte de Z. Léonard (I want a dyke…) mis en forme par Tiphaine et le laissant lisible (même du haut de ces 1 pt) / VERSO, les 4 timbres issus de l’invitation du FIG. festival, qui marque ma rencontre avec plusieurs membres de la future collective BBB.

Cet été, j’ai contacté Ariel Martín Pérez, pour lui demander si une collaboration autour d’un nouveau glyphe inclusif version latinaX dans sa typo OUROBOROS disponible sur la Velvetyne fonderie était possible ; il a donc accepté d’ajouter un nouveau signe qui se trouve au RECTO de la Perruque, tout au bout, avec le titre HERMAN@S, sous-titré par sa traduction, les adelphes.

11 – Roxanne > Clara

En dernière position dans la prise en main de cette perle perruquée, je me suis calée dans les deux grandes espacées vides afin de lier l’ensemble façon maïzenæ.

Une semaine avant que la perruque arrive dans ma boîte mel et à tout hasard mon amix etaïnn zwer, autrix membre du collectice poético porno rer q m’a demandé des infos sur la perruque et m’a proposé d’y faire quelque chose ensemble. Ça tombait très bien et je lui ai demandé de me soumetre un haïcul de 3 × 3 vers contenant une a bunch of variation de langage inclusif pour que je puisse m’amuser un peu a diversifier les formes. Sa plume a fusé, elle m’a envoyé bien plus que prévu mais je lui ai dit que c’était pas perdu et que ça pourrait servir de contenu pour la publication online. Elle est grave chaux pour qu’on l’utilise si on veut.

Je vous passe tout en dessous, il y a de la bonne matière à experimentation typo !

Bon comme je suis pas en mesure de dessiner des caractères complets, mes gestes c’est souvent d’ajouter une ou deux formes à des fontes existantes que j’utilise quotidiennement sur le moment.

On y trouve un travail sur un caractère qui serait between le point médian, l’astérisque et le ‘x’ = qui permettrait d’inclure tout les genres et de pouvoir se prononcer à l’oral par la flexion totale, et gêne moins la lecture que le ‘x’ qui est plus difficile à prononcer. Il y a par ci par là quelques accents gidouillés pour les terminaisons. J’aime aussi bien passer les marqueurs de genre en appel de note, ça attire l'attention dessus mais ne casse pas le rythme du texte et même si la note n'est pas présente ça sous entends qu'il y a un sens plus deep caché qq part.

Texte etaïnn zwer :

l’été, inassouvi-e-s,
dans le ciel couvert de bleus
incendies : iel-s contemple-nt
le mot « G O D E »
– Dieue est Michelle Tea

toi, paradix
xoluble

je lo regarde, sous la chaleur muette d’avril
une pièce secrète et au mur
ses organes comme des plantes
– architecture porno

soleil corps coupé-e-s
iel pense au vent ailé de pollen dans les branches du palmier
adieu adieu :
taon cul me manque
ce manque me berce
et dans le roulix / lez vaguez de ce rêve
je voudrais me noyer

ol pisse dans une rivière
j’aime saon forme sensitive
cuisses     yeuX jaunes de chat-te     lianes
mes fluides passés sous une flamme
plus tard,
plus tard ol dit je te montrerai
ol a l’odeur d’un film défait-es
a bouche m’égratigne :
sang rose-s aligné-e-s

le fiancée dort
saon rire passe à la télé
la nuit est Noire, leurs écussons violets

quelqu’un-e please call 911

(les) ros(i)es d’alcool (iels) tombent
une par une,
(et) (ah) ce cliché est parfait

l’ortiste est présente paraît-il
je fais la queue et je baise l’ortiste
scénario d’un film porno (arty) en deux parties
– coupé

Extraits de LA LANGUE GAUCHE DE LA NUIT (remake)

1.
dans 100 000 ans (peut-être moins) quand les humain·es auront enfin disparu, les dinoXaures contempleront nos restes avec émerveillement : « Camarades, cet minuscule (ta)fiole en plastique renferme des larmes véritables de transpédégouines Molotov. »
BOUM,

2.
moi je veux vivre dans un monde où Juliet·te point médian, en vacances de l’amour, sans les garçon·nes (polyamour polycopié polydésabusé·e) se branlerait de sa main gauche (bionique), dans la nuit, en écoutant « Mars in Virgo » des Sneaks parce qu’ille n’est pas vierge (iel est Verseau), et on aurait un futur (ni 0 ni 1), on aurait um futur·e c’est juste qu’ol jouierait autrement

moi je veux vivre dans un monde qui croit aux sortilèges, aux baisers dégenrés, et à la vie folle, aussi tendre et grisant que mon poing dans toi,  

un monde où :  
langage serait synonyme de salope,
la nature des mots changerait après minuit,
et les jeunes gentes modernes porteraient du rose utopie

un monde où
ma queue serait assortie à ton vernis serait assorti au manche de mon couteau de ton âme serait assortie au générique d’un film porno

un monde où
Juliette qui n’est plus tout à fait une fille dirait à Roméo qui n’est plus tout à fait un garçon : « Ô Roméo, Roméo ! Regarde ce ciel féministe, comme c’est beau… »

un monde où Juliette et Roméo se débarrasseraient de leur généalogie clanique pesante (strip-tease) et feraient la révolution (sexuelle mais pas que) la révolution non-binaire, la banderole en tête de cortège ferait, elle, la une des médias : « FUCK THE TRAGÉDIE AWAY » (personne n’est libre tant que toustes les grandes œuvres ne le sont pas)

un monde où
Juliette qui n’est plus tout à fait une fille dirait à Roméo qui n’est plus tout à fait un garçon : « Ô Roméo, Roméo ! Regarde ce ciel féministe, comme c’est beau… »
un monde où Juliet·te point médian, en vacances de l’amour, sans les garçon·nes (polyamour polycopié polydésabusé·e) se branlerait de sa main gauche (bionique), dans la nuit, en écoutant « Mars in Virgo » des Sneaks parce qu’ille n’est pas vierge (iel est Verseau), et on aurait un futur (ni 0 ni 1), on aurait um futur·e c’est juste qu’ol jouierait autrement

un monde où Juliet serait Romeo (pronom : they), artiste conceptuel-le de son vivant (oui), son travail – je cite ici une critique de son dernier solo show « la vie, la mort, la testo » – son travail, « une espèce de cheval sauvage, s’amuse de récits freak où l’on pratique à la fois le tennis et l’intimité, où l’on chit-chat de biopouvoir et de fantômes tourmentés, où l’on ment parfois et où l’on tente surtout de respirer. Osant le fantasme comme la contradiction, JR (ahah) célèbre l’énergie vitale de se tuner soi-même (sans s’excuser) pour mieux cocktailmolotover notre présent. » ; et l’artiste de conclure : « Le vent change, la voix change, les noms changent, moi aussi. »

moi aussi
je veux vivre dans un monde
où Julméo, star retraité* étoile du post-porn à quinze ans, lassé* étoile des vernissages (notre désir d’utopie ne peut pas tout changer), reconverti* étoile en maître-esse d’école, son rêve d’enfant élevé sans genre par cinq co-parent* étoile, Julméo, assis* étoile au milieu d’une faune de visages libres, ouvrirait son « manuel » guillemets d'anglais pour chanter autrement :
“my cunt is my kingdom”, repeat after me:
my cunt is my kingdom

Extraits de GASOLINE, apocalypse 1998

1.
j’ai un corps, je lo découvre,
iel aime le porno et l’alcool
acidulé-e-s, sous toi

2.
plus tard je te regarde
te branler
contre un arbre
je trouve un poster de pin-up effrangé-e de mousses
je trouve que la vie est douce
si je dois te décrire je dis :
c’est la couleur du X

3.
la belle épine de
ton souvenir, tes dents
quand je crève en plein jour
près du lac, incendie

couché-e-s dans le dénouement

Extrait de Ultra-rêve

Imaginez si dans la phrase « il ouvre… » on changeait le pronom en île (pas forcément grecque), alors on piraterait toute la syntaxe, la vérité serait enfin ailleurs, la poésie aurait gagné et on pourrait se consacrer à des activités plus politiques : des sex parties par exemple,

Extrait de Les Guérillères avaient vaincu

1.
Certainxes choisissaient les airs, la navigation, ou encore la marche. Les bandes se constituaient dans le désordre d’un mystère électif ; les plus impatient-es leur pigmentation cuivrée formant d’affolants miroirs sur les routes épaulaient les plus délicat-es leurs fantaisies épaulaient les plus fauves leurs poignets ornés de symboles où le point revenait, ritournelle.
Il n’était pas rare de trouver certainxes enchassé-es sur une colline, coudoyant l’ombre soyeuse d'un plateau, ou encapsulé-es dans la touffeur d’une bête indéchiffrable. Lancé-es au hasard, poussé-es par une soif, une intuition.

2.
Là, dans la végétation frissonnante, serré-e-s autour de l'embrasement violacé d'où montaient des fumées silencieuses, paumes jointes à notre tour, nous avons versé les formules de notre départ :
HOW DEEP IS THE SEA? demandait l’um.
HOW DEEP IS OUR LOVE? répondaient les autres.
Et c'était la même question.

3.
Aucun drapeau aucun ordre aucune nation. Et sur la crête de ce corps doux, hybrides, vulnérables et vibrant.e.s, quelqu'un.e
prononça ces mots :
     NOUS ENTRONS DANS UN RÉCIT QUI N'A PAS ENCORE DE NOM,

12 – Clara

J’ai rejoins la belle équipage en fin de course, ce qui m’a permise de pouvoir tester les nouvelleaux glyphes de DINdong. DINdong est une reprise de la DIN 1451 fette breitschrift d’après le dessin de Peter Wiegel.

DINdong est issus d’une déconstruction de la DIN 1451 fette breitschrift, pour constituer une boite à outil de modules. C’est un caractère qui n’est pas regular, à la fois extended (dans les capitale)s et condensed (pour les bas-de-casses). Il cherche à déjouer la norme DIN, toute en l’utilisant et rendre plus inclusif ce caractère historique.

Liste des fontes

Angelica CP, Arial, Astloch, Avara, Baskervvol, Black And White Picture, Chaîne, Compagnon, DINdong, Josafronde, Kreuz, Mayenne Sans, Ouroboros, Trickster, Unormative Fraktur

À propos de Bye Bye Binary

Bye Bye Binary (BBB) est une collective franco-belge, une expérimentation pédagogique, une communauté, un atelier de création typo·graphique variable, un réseau, une alliance. La collective, formée en novembre 2018 lors d’un workshop conjoint des ateliers de typographie de l’École de Recherche Graphique (erg) et La Cambre (Bruxelles), propose d’explorer de nouvelles formes graphiques et typographiques adaptées à la langue française, notamment la création de glyphes (lettres, ligatures, points médians, éléments de liaison ou de symbiose) prenant pour point de départ, terrain d’expérimentation et sujet de recherche le langage et l’écriture inclusive.

Membres: Andrea Nivière — Avril Avilas — Axelle Neveu — Barthélémy Cardonne — Camille°Circlude — Chloé Elvezi — Clara Sambot — Enzo Le Garrec — Eugénie Bidaut — H. Alix Mourrier — Julie Patard — Laura Conant — Laure Giletti — Laurine Tribolet — Léna Salabert — Loraine Furter — Louis Garrido — Louise Picot — Ludi Loiseau — Mathilde Quentin — Nathan Laurent — Marouchka Payen — Pierre Huyghebaert — Quentin Lamouroux — Reuss Maureen Leprêtre — Roxanne Maillet — Tif*Félixe Kazi-Tani.

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